Il est de ces Hommes qui marquent l’Histoire de leur empreinte. Surcouf, Jacques Cartier, Chateaubriand, Lamennais, des noms qui raisonnent encore dans les rues de Saint-Malo. Dans l’histoire plus récente, Guy La Chambre est de ceux là.

Son enfermement durant toute la Seconde Guerre mondiale n’a pas effacé son énergie, sa ténacité et son amour pour Saint-Malo. Pour preuve, il sera l’artisan de la reconstruction, celui qui va permettre à la Cité corsaire de renaître de ses débris.

Lire les parties I & II :

Partie I : La Chambre : une famille au service de la France (1/3)

Partie II : Guy La Chambre dans les tourments de la guerre (2/3)

Partie III : le défi de la reconstruction

À l’automne 1944, Guy La Chambre réapparaît à Saint-Malo pour la première fois depuis le début de la guerre. Mais il attend trois ans avant d’être élu maire et de prendre les rênes de Saint-Malo, réduite en cendres lors de la Libération. Il sait la tâche immense qui s’annonce. Dans la cité corsaire, la désolation est partout. 80% de la ville est détruite. D’innombrables trésors et de souvenirs sont enfouis sous les débris.

Guy La Chambre, l’artisan de la reconstruction de Saint-Malo

La première entreprise est de déminer et déblayer les rues tout en conservant chaque pierre en vue de reconstruire la cité de ses illustres ancêtres. Il fait également construire une ville provisoire en bois aux abords de l’enceinte pour loger les 6 400 sans-abris. D’ailleurs, pour être au plus près du terrain, il prend ses quartiers, non pas dans la belle demeure de la Briantais, mais dans le grenier de la maison familiale rue de Saint-Vincent, qu’il fait aménager.

N’oublions pas que Guy La Chambre s’est aussi dressé face à ceux qui voulaient faire table rase du passé, en détruisant entièrement la ville pour en reconstruire une nouvelle. Celui qui coordonne les efforts de la reconstruction, rassemble les énergies écrit : « Aussi longtemps qu’une cité conserve le culte de ses grands hommes et le sens de ses traditions, elle est assurée de renaître de ses cendres ». Pour autant, l’ancien ministre est conscient qu’il faut moderniser Saint-Malo. C’est pourquoi il décide de supprimer des ruelles trop obscures et étroites. Il met en place un réseau moderne d’assainissement, de téléphone et électricité.

Petit à petit, la ville retrouve son lustre d’antan. La cité renaît et les premiers visiteurs découvrent une ville qui a réussi à fleurir au-dessus des décombres. Tout un symbole !

En octobre 1949, le général Bouscat, vient remettre à Saint-Malo la Légion d’Honneur. Quelques semaines auparavant, Vincent Auriol, président de la IVème République déclarait : « Vieille cité corsaire au passé prestigieux, cité résistante et martyre dont la conduite de 1939 à 1945 constitue une nouvelle page de gloire. Faisant face aux coups de l’occupant, supportant avec courage et dignité les bombardements systématiques et les destructions vengeresses, offrant à la France les meilleurs de ses fils, a vaillamment résisté malgré ses ruines et ses deuils. »

En août 1952, durant plusieurs jours, Saint-Malo fête sa renaissance avec de nombreuses cérémonies et festivités. Resplendissante sous les décorations dressées pour l’occasion, la ville a terminé de penser ses plaies. Seule la cathédrale de Saint-Malo, toujours amputée de sa flèche, garde des stigmates de la plus grande tragédie ayant touchée la cité corsaire.

L’homme du 18 juin à Saint-Malo

À deux reprises, Saint-Malo et Guy La Chambre accueilleront le Général de Gaulle. Lors d’une de ces visites il prononcera un formidable discours où il qualifie Saint-Malo de « vieille cité meurtrie dans sa chair mais fortifiée dans son âme ».

Comme il le dit lui-même : « Parmi toutes les villes de France, vous, Saint-Malo, vous êtes l’une des plus blessés, non seulement à cause des destructions matérielles innombrables que l’on découvre dans votre ville, mais aussi pour cette raison que vos souvenirs, ce que vous étiez, ce que vous êtes, plongent jusqu’au fond de l’âme de la France. Vos rues, vos pierres, vos maisons, si pleines de caractère et de pittoresque, dans lesquelles ont vécu tant et tant de Malouines et de Malouins avec de temps en temps des grands hommes comme Jacques Cartier, Duguay-Trouin, Broussais, Surcouf, Chateaubriand, Lamennais. Vos pierres, vos maisons, vos rues, elles étaient, elles sont des morceaux du patrimoine moral, intellectuel et matériel de la Patrie ».

Cet éloge à la ville de Saint-Malo, où il plaidera aussi pour la reconstitution d’un État fort et la création d’une Europe des Nations sera clôturé par une Marseillaise au pied du château.

Retour aux affaires et retraite politique

Le 19 juin 1954, Guy La Chambre reçoit un télégramme de Pierre Mendès-France, Président du Conseil des ministres, qui lui demande de rejoindre son gouvernement. Cette fois-ci, on lui propose de prendre en main le ministère des Relations avec les États Associés à une période charnière : la guerre d’Indochine fait rage et la conférence de Genève, censée régler la situation s’annonce déterminante.

Alors qu’il est à Manille, aux Phillipines et qu’il s’apprête à s’envoler pour Saïgon au Vietnam, il dira : « Mon rôle n’est pas de premier plan mais pour modeste qu’il soit je crois que certaines indications que je communique au président l’intéressent. La confiance est totale entre-nous. » Effectivement, son action semble être appréciée puisqu’il sera remercié publiquement à plusieurs reprises par Pierre Mendès-France.

Son absence de Saint-Malo suscite des convoitises. En 1958, il perd les élections législatives et décide de ne pas continuer sa mission à la tête de la ville de Saint-Malo. En 1964, lors du 20ème anniversaire de l’internement des otages malouins au Fort national, il annonce que sa mission est terminée. Peu de temps après, il quitte la ville laissant à d’autres le soin d’engager la fusion de Saint-Malo, Saint-Servan et Paramé.

En 1971 il perd sa femme d’une crise cardiaque. Il ne s’en remettra jamais. Avant de quitter les Malouins, il formule le souhait que la Briantais puisse être utilisée comme maison de vacances des orphelinats de Saint-Malo. Il meurt le 25 mai 1975 à Paris mais se fera enterrer à Saint-Malo avec sa femme et ses parents. Le jour de son enterrement, toute la ville est en deuil. Les boutiques sont fermées et la foule se précipite pour lui rendre un dernier hommage.

Guy La Chambre laisse le souvenir d’un homme de conviction, patriote et attaché à ses devoirs.

« Voilà de pauvres mots et de bien courtes phrases pour évoquer une carrière traversée d’épreuves, hérissée d’injustices mais éclairée par l’utilité des services rendus, adoucie par les témoignages de l’amitié et de la fidélité, justifiée par la reconnaissance d’une des plus vaillantes cités de France ». Yvon Bourges (homme politique français, 6ème ministre de la Défense de la Vè République).