Avant la construction du barrage, traverser la Rance n’était pas si aisée. Les Malouins et Dinardais qui souhaitaient se rendre sur l’autre rive devaient emprunter un bateau. Il ne reste aujourd’hui qu’un dernier témoin de ces traversées : l’AB 1. Laissée à l’abandon, des passionnés sont en passe de remettre la navette à l’eau. Et ils ont besoin d’aide !
Construite en 1935 à Nantes, la vedette va commencer par naviguer dans l’estuaire de la Loire. Elle est propriété des Autos-Bateaux de la Basse-Loire, d’où son nom, AB 1. En 1939, elle prend la direction de la Rance et débute sa longue carrière de transport de passagers entre Saint-Malo et Dinard.
Une victime de la Seconde Guerre mondiale
Refusant que le navire tombe entre les mains des Allemands, la vedette est sabordée peu de temps avant leur arrivée, puis renflouée à la Libération. Longue de 20,68 m et large de 4,63 m la vedette, qui pouvait accueillir jusqu’à 150 passagers, va reprendre du service en 1946. Elle devient le principal moyen de communication entre les deux rives de la Rance. La traversée ne durait que 10 minutes, bien plus rapide que le détour par le pont Saint-Hubert, qui enjambe la Rance à La Ville-ès-Nonais.
Ces incessants aller-retour durent jusqu’à la construction en 1966 du barrage de la Rance. Dès lors, son exploitation connaît un long déclin jusqu’à son arrêt définitif en 1989.
Sauvons le patrimoine Malouin !
La vedette va sommeiller pendant près de 25 ans avant d’être rachetée en 1992 par l’AMERAMI, association qui se donne pour mission la sauvegarde du patrimoine maritime français. C’est sous leur impulsion que la vedette est classée au titre des monuments historiques.
En 2007, André O’Neill, un passionné issu d’une famille de marins, rachète le bateau et entame dans les chantiers de La Passagère, la première tranche de travaux estimée à 350 000€. Celle-ci permet de remettre en état les parties extérieures du navire (coque, galerie, châssis…), de remplacer l’hélice et d’acquérir un moteur électrique destiné à être couplé au moteur thermique d’origine. Il accole au nom originel de la navette le nom de son père, le commandant Jean O’Neill.
Mais une deuxième phase de travaux doit encore être conduite ! Il est d’ailleurs possible de soutenir le projet en se rendant sur le site Dartagnans. (À quoi servira la collecte ?). Lorsque ce bout d‘histoire flottant retrouvera l’eau, il servira à la découverte patrimoine dans l’estuaire de la Rance et aux abords de la Cité Corsaire.
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Qui est le Commandant Jean O’Neill ?
Né en 1908 d’une famille d’origine irlandaise, Jean O’Neill montre tout au long de sa vie une personnalité marquée par un sens profond de l’engagement, la valeur du courage et le goût de l’aventure. Diplômé de l’Ecole Navale à 20 ans, il obtient son premier commandement en 1935 sur la canonnière La Grandière qui opère en Chine. Ce navire est affecté à des missions de protection et de surveillance. À son retour en 1937, Jean O’Neill prend le commandement de l’aviso Arras, réarmé pour rapatrier vers Brest des réfugiés espagnols fuyant la guerre civile.
Attaché à l’Etat-Major de la Marine Nationale en Afrique du Nord au début de la Seconde Guerre mondiale, il est artilleur sur le cuirassé Strasbourg. À bord de ce navire, il réchappe de peu au désastre de Mers-el-Kébir, ces trois jours terribles de juillet 1940 au cours desquels la Royal Navy bombarde impitoyablement la flotte française par crainte de la voir tomber aux mains des Allemands. Plus d’un millier de marins français y perdent la vie.
Le 27 novembre 1942, astreinte à la neutralité par les accords d’armistice de 1940 et déjà très affaiblie, la flotte se saborde dans la rade de Toulon afin de faire échouer l’opération lancée par Hitler, qui avait finalement décidé d’en prendre le contrôle. Les bâtiments rescapés de ce suicide collectif et héroïque, qui avaient pu appareiller avant l’arrivée des chars allemands dans le port de Toulon, se mettent à l’abri en Afrique occidentale française (A.O.F.) ou rallient directement les forces anglo-saxonnes.
En mai 1943, la Marine française a définitivement basculé dans le camp allié. Sur le cuirassé La Lorraine dont il dirige l’artillerie, Jean O’Neill prend part au débarquement de Provence en août 1944 et à la libération de Toulon en septembre.
Fait Officier de la Légion d’honneur et décoré de la Croix de Guerre, Jean O’Neill se retire de la vie militaire après la guerre. Il s’éteint à Saint-Pierre-Quiberon (56), en 1998, face à la mer que ses yeux n’ont jamais quittée.
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