10 novembre 2002, alors que les monocoques ont pris le départ la veille, c’est au tour des multicoques, les stars de cette transatlantique de prendre le départ au large de la pointe du Grouin. Durant les 10 jours précédents le départ, Saint-Malo était en fête et des dizaines de milliers de personnes ont pu venir admirer ces véritables Formule 1 des mers… avant que la Route du Rhum ne les décime !
Sur les 18 concurrents inscrits dans la catégorie ORMA, seuls 3 rescapés arriveront à rejoindre Pointe-à-Pitre. Retour sur la déroute du Rhum.
Une première nuit chaotique…
Alors que le départ vient d’être donné il y a moins de 8 heures, Franck Cammas joue les équilibristes et flirt avec le danger pour faire avancer Groupama, son trimaran de 60 pieds. Mais en un instant, la course bascule et le jeune skipper de 30 ans chavire avec son géant des mers. Plus tard, une fois secouru et entouré d’une multitude de journalistes, il déclare : “C’est étonnant parce qu’entre le moment où je me suis dit ça peut être chaud et le moment où j’ai chaviré, ça a duré une seconde quoi.”
Quelques minutes plus tard, les ennuis continuent. Alors que la nuit noire l’entoure, Jean Le Cam se retrouve sur la même trajectoire que Groupama. L’impact est violent, et le skipper de Bonduelle ne comprend pas d’où vient ce violent bruit. “Dans la nuit noire, tout d’un coup … CRAC … je rentre dans un truc. Je regarde, je vois rien, je ne vois rien. Je regarde en l’air, si c’était un cargo où n’importe quoi, j’aurais vu quelque chose, là je voyais rien. Je vais voir devant et je vois écrit Groupama avec le flotteur vert.”
Bertrand de Broc passe à quelques dizaines de mètres de cet impensable collision et manque de chavirer à son tour. Cette grosse frayeur marque la fin de la course pour le skipper de Banque Covefi qui décide de faire demi-tour pour revenir sur le continent. Preuve que même les marins les plus aguerris peuvent prendre peur face à la force des éléments.
Après son retour sur la terre ferme, Franck Cammas, installé confortablement auprès d’un feu de cheminé, revient sur son abandon, premier d’une série presque sans fin lors de cette septième Route du Rhum : “Les multicoques ça marche en équilibre, et au-delà de l’équilibre c’est le chavirage et ça revient pas. […] Donc pour faire avancer des multicoques, faut se mettre près du risque maximum quoi. Donc on essaie de le titiller plus ou moins quand on est en forme.”
À qui le tour ?
Dans les jours qui suivent cette première nuit musclée, nulle doute que cette question a trotté dans la tête de nombreux concurrents. Le 15 novembre, soit 5 petits jours après le départ, la moitié de la flotte des trimarans a déjà été contrainte à l’abandon. Parmi eux, on note un nombre important de vainqueurs potentiels : Lionel Lemonchois, Francis Joyon, Yvan Bourgnon, Loïck Peyron, ou encore Thomas Coville.
Karine Fauconnier, seule femme à concourir chez les ORMA cette année là, doit elle aussi abandonner après qu’un de ses flotteurs se soit décroché et soit venu percuter sa coque centrale. “Tout était conjugué. La force du vent, l’instabilité et la dynamique des vagues. Et il faut dire que les ORMA étaient des bateaux extrêmes en solo, puissants, légers, volages, on avait mis tous les curseurs dans le rouge.” Dans la course au record, la puissance des flots et la forte dépression qui s’est abattue sur le parcours ont eu raison de la légèreté des Formule 1 des mers.
De l’autre côté de l’Atlantique, alors que la victoire tend les bras à Stève Ravussin, une erreur de navigation entraîne le chavirage de son trimaran TechnoMarine. C’est Michel Desjoyeaux qui, en 13 jours, 7 heures et 53 minutes, remporte cette septième édition de la Route du Rhum à la barre de Géant. Les deux seuls autres rescapés, Marc Guillemot (Biscuits La Trinitaine) et Lalou Roucayrol (Banque Populaire), complèteront le podium de cette catégorie ORMA.
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