Navigateur aussi précoce que talentueux, Bertrand François Mahé de La Bourdonnais est aussi réputé pour avoir été un administrateur de génie. Voltaire écrit à son sujet : « [Il] était, comme les Duquesne, les Bart, les Duguay-Trouin, capable de faire beaucoup avec peu, et aussi intelligent dans le commerce que dans la marine… Cet homme, à la fois négociant et guerrier, vengea l’honneur du pavillon français en Asie. » Découvrons la vie mouvementée de ce Malouin de naissance.
Bertrand François Mahé, comte de La Bourdonnais est né à Saint-Malo en février 1699. Fils d’armateur, il prend le large dès l’âge de 10 ans et parcourt les mers du Nord et du Levant. À 19 ans, il entre au service de la Compagnie française des Indes orientales et est nommé capitaine à 24 ans. Il participe notamment à la reprise du comptoir de Mahé, situé au sud-est de l’Inde. S’ensuit une période où le Malouin arme pour son compte et amasse, en quelques années seulement, une fortune considérable.
Cette période est de courte durée puisqu’en 1733, La Bourdonnais retourne au service de la Compagnie des Indes comme gouverneur général des Mascareignes, archipel de l’océan Indien dont font partie notamment La Réunion et l’Île Maurice. Il y débarque deux ans plus tard et débute un impressionnant développement de l’île.
Mahé de La Bourdonnais le gouverneur de l’Ile Maurice
L’Île Maurice, située l’Ouest de l’océan Indien, est visitée pour la première fois par les Portugais mais ne sera colonisée qu’à la toute fin du XVIème siècle par les Hollandais, qui la délaissent après avoir pillé la faune et la flore locale. C’est le Malouin Guillaume Dufresne d’Arsel qui est chargé en 1715 d’investir l’île, rebaptisée par la suite Isle de France. Elle revêt alors un caractère stratégique en vue de sécuriser le commerce avec les Indes.
L’infatigable Malouin, qui dort seulement quelques heures par nuit, va commencer par généraliser la culture de la canne à sucre. Il établit des raffineries, mais aussi des fabriques de coton et d’indigo permettant de rapporter de l’argent. On y cultive le riz, le manioc et le blé pour la nourriture des Européens. Léon Guérin, dans son histoire maritime de France écrit « des maisons, des hôpitaux, des magasins, des arsenaux même, s’élevèrent à la place des cabanes, avec de bonnes fortifications pour protéger le tout ; des communications furent ouvertes, des canaux creusés, des ponts, des aqueducs, un port et des quais construits comme par enchantement. » Il dote également Port-Louis d’infrastructures capables d’accueillir, de réparer et de construire des navires faisant la liaison entre la métropole et les Indes.
Sur l’ile de Bourbon, aujourd’hui La Réunion, il fait aménager le port de Saint-Denis et fonde la ville de Saint-Louis. Henri de Chazal de la Compagnie La Bourdonnais conclut : « C’est ainsi que l’Isle-de-France et celle de Bourbon, hier encore presque dédaignées comme d’inutiles rochers, devinrent en quelques jours l’orgueil de la mer des Indes, l’objet de la jalousie et de l’ambition des Anglais et des Hollandais. »
Hélas, nul n’est prophète en son pays. De nombreux administrateurs de la compagnie des Indes jugent sa politique trop coûteuse et insuffisamment rentable.
Des Indes aux geôles de la Bastille
La guerre de Succession d’Autriche (1740-1748) va avoir des répercussions jusque dans l’Océan Indien. Le Malouin, promu capitaine de frégate dans la marine royale, le pressent et propose alors un ambitieux plan pour garantir le contrôle de la mer des Indes. Une nouvelle fois, la Compagnie n’accueille pas ce projet positivement et contraint sa flotte à la neutralité. Les Anglais en ont cure et font main basse sur tous les bâtiments français naviguant sous la foi de cette neutralité dont s’était si naïvement bercée la Compagnie des Indes. Malgré tout, avec peu de moyens le Malouin libère Mahé, comptoir sur la côte ouest des Indes, occupé par les Marathes. Il fait fuir les Anglais lors de la Bataille de Négapatam et réussit avec neuf vaisseaux et deux mille deux cents hommes seulement à prendre la ville de Madras aux mains des Anglais en septembre 1746. Contrairement à Dupleix, le gouverneur de Pondichéry, il refuse que la ville soit détruite préférant obtenir des Anglais une rançon. Exaspéré de ne pas avoir été écouté, il rentre sur les Mascareignes, où il apprend que son poste de gouverneur lui a été retiré.
Alors qu’il tente de rejoindre clandestinement la France, il est fait prisonnier et conduit à Londres comme prisonnier de guerre. Même s’il est correctement traité par ses ravisseurs, à Paris, les choses se passent différemment. Dupleix use de son influence et fait passer le Malouin pour un traître. De retour en France pour laver son honneur, il est arrêté et jeté à la prison de la Bastille. Sa santé se dégrade durant ses trois années de captivité où il rédige néanmoins ses mémoires. Affaibli, il meurt le 10 novembre 1753 à Paris, moins de deux ans après sa sortie de la Bastille.
Il est difficile de résumer en quelques lignes la vie hors normes de François Mahé. Une ville du sud de l’île Maurice porte encore aujourd’hui son nom : Mahébourg. Par ailleurs, la principale île des Seychelles, sur laquelle se trouve la capitale du pays, se nomme Mahé en souvenir de ce gouverneur. La ville indienne de Mahé est appelée ainsi en mémoire de La Bourdonnais. Deux voies parisiennes et deux rues à Pondichéry portent également son nom. À Saint-Malo, une statue, réplique du monument de Port-Louis, trône fièrement à l’une des entrées de la ville.
Pour en savoir plus : Association des Amis de Mahé de La Bourdonnais
Laisser un commentaire