Aux yeux des Anglais, Saint-Malo est un « nid de guêpes ». Une cité de pierre où se regroupent tant de corsaires qui n’attendent que de pouvoir prendre la mer pour attaquer les navires battant pavillon ennemi. Parmi eux, Robert Surcouf est le plus illustre. À lui seul, il réunit toutes les qualités nécessaires à la guerre de course : marin hors pair, brillant navigateur, capitaine et guerrier d’exception.
Sa légende va naître lors des guerres que la France livre à l’Angleterre sous la Première République et l’Empire. La mer des Indes va être son terrain de chasse favoris et il totalisera entre 1795 et 1808, pas moins de 44 prises dont certaines resteront célèbres.
Robert Surcouf, la naissance d’un corsaire légendaire
Robert Charles Surcouf naît le 12 décembre 1773, à Saint-Malo. Descendant de Duguay-Trouin par sa mère, il est décrit comme un enfant fougueux, indiscipliné, têtu et bagarreur. À 13 ans, il devient mousse sur le Héron, un navire qui cabote entre Saint-Malo et Cadix. Deux ans plus tard, il s’embarque comme volontaire sur l’Aurore, un brick de 700 tonneaux en partance pour les Indes. Il se fait agréablement remarquer par un officier qui va l’initier aux secrets de la navigation. Son intrépidité, son sang-froid et son courage lors du naufrage de ce navire en 1790, lui vaudront les galons d’officier de la marine marchande. Le très jeune lieutenant va alors rejoindre la Marine royale et va connaître son baptême du feu lors de la bataille de la Rivière Noire en octobre 1794.
À vingt ans, le Malouin se retrouve capitaine corsaire aux commandes de l’Émilie, un navire de 4 canons et de 30 hommes d’équipage. Missionné pour acheter diverses marchandises, il revient à Port-Maurice plusieurs semaines après avec cinq vaisseaux capturés en route.
Le 28 janvier 1796, il prend la mer à bord du Cartier, navire marchand armé de seulement 4 canons. Dès le lendemain, il croise la route d’une « cathédrale des mers », le vaisseau de guerre le Triton de la compagnie des Indes anglaises, d’un poids de 1 000 tonnes et 150 marins, avec 26 canons ! « D’un culot démesuré et accompagné de ses 19 maigres compagnons, Surcouf s’approche du mastodonte sans éveiller de soupçons, grâce à l’apparence pacifique de son petit navire arboré du pavillon britannique. Et comme l’éclair, les français sautent sur le pont, abattent le capitaine et quelques marins récalcitrants. Le malouin s’en tire avec un seul mort et un blessé. » (Source)
Surcouf a vingt-trois ans. Il est à présent à la tête de trois navires, le Cartier, la Diana et le Triton. Une légende des mers est née.
7 octobre 1800, Robert Surcouf s’empare du Kent
Au milieu de l’année 1798, Surcouf, accompagné de son frère, reprend la direction de l’Inde à bord de La Clarisse, un navire de 200 tonneaux, de 20 canons et plus de 100 hommes d’équipage. Ses très nombreuses prises ne font que grandir sa réputation et sa fortune, estimée à l’époque à plusieurs centaines de millions de livres. L’année suivante, l’Ogre du Bengale comme le surnomment ses ennemis, arme la Confiance et accumule les prises.
Le 7 octobre 1800, il croise la route du Kent qui appartient à la Compagnie anglaise des Indes orientales. Son tonnage est presque le triple de celui de la Confiance, soit 1200 tonneaux. Il aligne 38 canons face aux 24 canons de la Confiance. Côté anglais, on compte 400 hommes tandis que les Français n’en ont que 160. Et pourtant, il suffira de 20 minutes pour que les Anglais se rendent ! Les Français ne compteront dans leurs rangs que 5 morts et une petite quinzaine de blessés. Dans ses mémoires, Ambroise Louis Garneray raconte :
« Parbleu ! mes amis ! s’écria Surcouf, nous pouvons nous vanter d’avoir assez bien employé notre journée. Il nous a fallu escalader, sous une grêle de balles, une forteresse trois fois plus haute que notre navire et combattre chacun trois Anglais et demi. Je savais à quel formidable équipage nous allions avoir affaire ; mais pas si bête de le dire, pour décourager l’équipage ! »
C’est peut-être à cette occasion que le commandant en second lui aurait déclaré : « Vous, Français, vous vous battez pour de l’argent. Et nous, Anglais, nous nous battons pour l’honneur. », Surcouf lui répondant : « Chacun se bat pour ce qui lui manque ! »
C’est probablement cette bataille qui inspira l’un des chants les plus célèbres de la marine française
Une vie de corsaire et d’armateur
Lors de son retour à Saint-Malo en 1801, Robert Surcouf qui a 27 ans, épouse Marie-Catherine Blaize. Il profite de sa présence dans le port breton pour armer des navires puis se tient tranquille jusqu’à la rupture de la paix d’Amiens. Il est alors convoqué par Napoléon qui lui offre le commandement d’une escadre ! Mais, Surcouf préférant conserver son indépendance, refuse l’offre. Un rejet dont ne tiendra pas rigueur l’Empereur puisqu’il décore le tigre des mers de la légion d’honneur.
La guerre déclarée, Robert Surcouf repart sur les mers, cette fois-ci sur le Revenant, un trois-mâts de 400 tonneaux et 20 canons. Il multiplie les exploits et les prises. Après quelques semaines seulement dans les parages de l’Inde il redevient la terreur du commerce britannique. Contraint de rassurer ses propres armateurs, le gouvernement anglais devra se résigner à l’envoi de plusieurs frégates supplémentaires dans ces mers.
Après la chute de l’Empire, il retrouve la cité corsaire. Même s’il ne prend plus la mer, il travaille en qualité d’investisseur jusqu’en 1814 avec un bilan militaire et financier mitigé. Toutefois, l’un de ses navires restera dans la légende : Le Renard. Dans son château de Riancourt à Saint-Servan, celui qui aura été le plus illustre des corsaires, va voir s’éteindre la guerre de course, définitivement abolie en 1856. Aimé et respecté de tous, il meurt le 8 juillet 1827.
Reviens de St Malo
Le passé a été complètement gommé Plus rien du souffle des corsaires
Ville livrée au libéralisme marchand sans saveur sans couleur
Suis parti en courant