Il est de ces Hommes qui marquent l’Histoire de leur empreinte. Surcouf, Jacques Cartier, Chateaubriand, Lamennais, des noms qui résonnent encore dans les rues de Saint-Malo. Dans l’histoire plus récente, Guy La Chambre est de ceux-là.
De ses débuts dans l’armée Française jusqu’à son ascension aux plus hautes responsabilités de l’État, il a servi avec devoir et passion les Français et les Malouins. Son rôle déterminant à la veille de la Seconde Guerre mondiale ne l’empêchera pas d’être considéré par Vichy comme un artisan de la défaite et emprisonné.
Lire la partie I : La Chambre : une famille au service de la France (1/3)
Partie II : Guy La Chambre dans les tourments de la guerre
Au début des années 30, les succès électoraux de Guy La Chambre ne passent pas inaperçus. Le socialiste Pierre Laval, alors président du Conseil, l’équivalent aujourd’hui de notre Premier ministre, le nomme sous-secrétaire d’État à la guerre. Au gré des remaniements ministériels, Guy La Chambre occupera diverses fonctions ministérielles, devenant même le 30 janvier 1934, dans le gouvernement d’Édouard Daladier, ministre de la Marine Marchande. Une expérience de courte durée à cause des événements du 6 février 1934.
Guy La Chambre, ministre et témoin d’une République en crise
Depuis le krach boursier de 1929, la France subit une importante crise économique entraînant une instabilité politique. Les gouvernements peinent à trouver des solutions et pendant que la classe politique s’empêtre dans des scandales politico-financiers, la rue gronde.
En janvier 1934, l’affaire Stavisky va faire trembler la République. Le 6 février plusieurs manifestations simultanées, menées notamment par l’Action Française, ont lieu dans Paris. Les manifestants s’époumonent : « À bas les voleurs ! ». Rapidement, les défilés se transforment en émeute et des tirs sont échangés entre manifestants et forces de l’ordre. On dénombre plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés.
Pour protester, de nombreux ministres démissionnent mais, Guy La Chambre, lui, ne fait pas défection. Les médias s’emballent. L’Écho de Paris répand même une rumeur : le Malouin aurait suggéré au président du Conseil de faire usage des mitrailleuses et des tanks ! De l’aveu même d’Édouard Daladier, son ministre n’a jamais formulé une telle demande.
Contraint, le gouvernement Daladier démissionne le 7 février 1934 et Guy La Chambre reprend alors le chemin de Saint-Malo.
Entre duel pour l’honneur et mariage mondain
« Le 28 septembre 1934, non loin du monument aux morts de Saint-Servan, vers 13 h30, dans la rue Ville Pépin congestionnée par un embouteillage […] l’avocat au barreau de Paris Jacques Renouvin reconnaît la voiture du député-maire de la ville Guy La Chambre, sort de son véhicule et soufflette de deux coups de gants au visage le parlementaire. » (Guy La Chambre et Jacques Renouvin : duel pour l’honneur à Saint-Malo, à lire sur En Envor).
Le militant royaliste, qui voit le député comme un instigateur de la répression du 6 février, lui rappelle cet évènement tragique. L’affaire s’envenime et Guy La Chambre n’obtient pas les excuses souhaitées. Le différend se réglera donc à l’épée le 30 septembre 1934 au matin, sur l’hippodrome de Marville. Le duel s’achève sur la victoire du député-maire de Saint-Servan, le Parisien étant rapidement touché au bras droit.
En 1937, Guy La Chambre va subir une nouvelle épreuve avec la disparition de son père. Malgré la tristesse qui le submerge, le dernier obstacle à son mariage avec Cora Madou est levé.
Cette cérémonie a lieu à Saint-Servan le 24 avril 1938. Le journal local écrit : « Tout Saint-Malo est monté cette nuit à Saint-Servan et se presse sur la place étroite devant l’église. Le voici M. Guy La Chambre en habit, souriant, pâle, on l’acclame. Et voici la mariée, troublée, ses beaux yeux voilés de larmes tremblante d’émotion […] » (Guy La Chambre : un Malouin illustre, homme de cœur et de devoir , Michel de Ladoucette, Dieppe, La Vigie, 1979 , 119 p.). Un bonheur de courte durée puisqu’il est rappelé à Paris.
1938 : Le rôle capital du ministre Guy La Chambre
En 1938, la situation internationale est grave, les tensions en Europe s’accumulent, la guerre se rapproche et l’armée française n’est pas prête. Guy La Chambre, nommé ministre de l’Air, découvre un corps d’armée en piteux état. Il écrit : « La situation est extrêmement grave. Nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve. Mais je suis bien convaincu que si un conflit éclatait cette année, l’aviation française serait écrasée en quelques jours. » (Guy La Chambre : un Malouin illustre, homme de cœur et de devoir , Michel de Ladoucette, Dieppe, La Vigie, 1979 , 119 p.).
Les accords de Munich (signés en 1938 par l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie) qui règlent la crise des Sudètes et scellent par la même occasion la disparition de la Tchécoslovaquie en permettant à Hitler de l’annexer, sera une manière pour Daladier de retarder la guerre et de se préparer à l’inévitable. Cela donne un délai supplémentaire au Malouin dans sa tâche.
Homme d’action, Guy La Chambre s’emploie à restaurer les forces aériennes. Mais, les usines françaises ont pris trop de retard et il décide donc de passer trois commandes d’avions militaires aux Américains. L’affaire est loin d’être simple. Il faudra toute l’habileté du ministre pour convaincre des Américains, qui souhaitent rester neutre dans le conflit à venir.
La guerre éclate avant que les premiers avions ne soient livrés. Pourtant son action n’est pas un échec. En effet, les investissements français ont le mérite de mettre en route l’industrie de guerre américaine, ce qui profitera grandement aux Anglais.
Un conflit mondial sous les verrous
Dès que la guerre éclate, Guy La Chambre, toujours ministre, se porte volontaire pour rejoindre une armée combattante. Alors que son statut de parlementaire le rend non mobilisable, son patriotisme et son dévouement le pousse à s’engager. Le président de la République Albert Lebrun refuse en expliquant à son ministre que sa décision serait mal perçue. Mais, en mars 1940, Guy La Chambre s’oppose formellement au plan de Churchill qui souhaite détruire les points d’accès sur le Rhin et miner le fleuve pour endiguer l’avancée des troupes Allemandes. Il démissionne et reprend immédiatement du service en tant que capitaine d’artillerie. Lors de la débâcle de l’armée Française, le général qui commande l’unité demande au Malouin de se rendre à Bordeaux auprès du ministre de la Guerre. Hélas, avant d’arriver à destination, la France capitule. Il assiste tout de même à la séance du Parlement qui vote les pleins pouvoirs au Général Pétain.
Appelé par les Américains, il s’envole pour Washington le 27 juillet 1940. Il y rencontre notamment le président Roosevelt à la Maison-Blanche. Pendant ce temps, un mandat d’arrêt est déposé contre lui en France. À Saint-Malo, il subit une campagne de calomnie. En réaction, des dizaines d’élus locaux vont lui apporter leur soutien, qualifiant Guy La Chambre de « modèle de dévouement et de désintéressement envers la patrie », accusant ses détracteurs d’être des « agents de l’ennemi » et de chercher à saper le moral du pays.
Guy La Chambre se présente à la frontière des Pyrénées, où il est arrêté et envoyé à la prison de Riom dans le Puy-de-Dôme puis à Bourrassol. Il y restera enfermé de septembre 1940 à février 1943. Ses journées sont rythmées par les interrogatoires et l’attente. Toutefois, il peut compter sur Cora Madou, sa femme, qui le suit durant toute sa détention. Elle lui rend de nombreuses visites et l’aide à préparer sa défense.
Même si la cour suprême lui accorde la liberté provisoire le 9 février 1943, il est séquestré au château de Bourrassol, qui fait office de prison, jusqu’au 17 février. Sur ordre des Allemands, il est interné administrativement à Évaux-les-Bains dans la Creuse jusqu’au 7 juin 1944, date de sa libération par des maquisards.
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→ Partie III : Guy La Chambre : le défi de la reconstruction (3/3)
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