Il est de ces Hommes qui marquent l’Histoire de leur empreinte. Surcouf, Jacques Cartier, Chateaubriand, Lamennais, des noms qui résonnent encore dans les rues de Saint-Malo. Dans l’histoire plus récente, Guy La Chambre est de ceux-là.

De ses débuts dans l’armée Française jusqu’à son ascension aux plus hautes responsabilités de l’État, il a servi avec devoir et passion les Français et les Malouins. Après la destruction de Saint-Malo en 1944, son énergie et sa ténacité ont permis à la Cité corsaire de renaître de ses débris.

Partie I – La Chambre : une famille au service de la France

Guy La Chambre est issu d’une famille de capitaines marchands malouins. Son arrière-grand-père, Charles Émile (1816 – 1907) fait fortune dans l’importation du guano, engrais composé d’excréments et de cadavres d’oiseaux marins. En effet, celui qui deviendra armateur et négociant a découvert vers 1840 les îles Chinchas, situées près des côtes du Pérou. Il ouvre alors plusieurs comptoirs en Amérique du Sud et en France pour vendre ce fertilisant naturel, réputé pour sa qualité incomparable. Malgré ses obligations professionnelles qui l’emmènent à Paris, il garde un lien privilégié avec Saint-Malo. Conseiller municipal, il échoue aux élections législatives de 1871.

Peu de temps après, il achète le Journal de Saint-Malo et se représente aux élections du 20 février 1876, « comme candidat libéral, conservateur constitutionnel, disposé à faire l’application sincère de la Constitution ». Réélu en 1877 après une dissolution de l’Assemblée Nationale, son élection fut invalidée l’année suivante. Défait à plusieurs reprises, il sera de nouveau député d’Ille-et-vilaine de 1889 à 1893.

Son fils Charles Auguste Carl (1861 – 1937), avocat au barreau de Paris, assure la relève. Il s’occupe essentiellement de questions financières et d’œuvres caritatives. À titre d’exemple, son épouse Marie La Chambre fonde une maison d’accueil pour les jeunes filles, rue de la fontaine au bonhomme. Candidat aux élections législatives de 1902, Carl La Chambre est élu député face à Charles Jouanjan, maire radical de Saint-Malo. Ayant subi un échec électoral en 1906, il ne se représentera plus aux élections. Patriote, il s’engage comme volontaire lors de la Première Guerre mondiale. À 52 ans, il conduit l’un des « taxis de la Marne », qui acheminent plusieurs milliers de soldats français en renfort sur le front.

Guy La Chambre sous les drapeaux

Guy La Chambre est né à Paris le 5 juin 1898. Fils unique très choyé, il a la réputation d’être un élève docile, discipliné et travailleur. Il a 16 ans lorsque éclate « la guerre de 14 ». Alors qu’il passe son été au Château de la Briantais, propriété familiale, il manifeste déjà l’envie de s’engager. Mais, il devra attendre ses 18 ans pour le faire.

Gazé sur le front en octobre 1917, il prendra tout de même part aux offensives de la Somme en septembre 1918 et en Champagne le mois suivant. Il termine la guerre comme sous-lieutenant d’artillerie et reçoit, pour sa conduite exemplaire, la Croix de Guerre. Démobilisé en 1919, il achève ses études de droit interrompues par la guerre. Puis, par la suite, il rejoint le cabinet d’Aristide Briand, homme politique de premier plan, plusieurs fois président du Conseil et ministre, mais aussi lauréat du Prix Nobel de la paix en 1926.

Durant cette période, Guy La Chambre collabore avec l’inspirateur de la Société des Nations, qui deviendra après la Seconde Guerre mondiale l’ONU, mais également un artisan de la réconciliation franco-allemande, bref, un ardent défenseur de la paix.

Le coup de foudre !

C’est à cette période que Guy La Chambre va rencontrer Jeanne-Baptistine Odaglia, plus connue sous le nom de Cora Madou. Cette jeune interprète oubliée aujourd’hui, fait pourtant à l’époque le bonheur des cabarets. Leur correspondance témoigne d’un amour passionné mais interdit. En effet, la famille La Chambre refuse toute union.


Collaborateur du Maréchal Lyautey, ministre de la Guerre lors de la Première Guerre mondiale, puis maréchal de France en 1921, Guy La Chambre va tisser son réseau. Sa compagne, adulée par le tout-Paris va l’y aider. Il va notamment se lier d’amitié avec Édouard Daladier qui assurera tout au long de sa carrière politique de très nombreuses fonctions.

Guy La Chambre maire et député

Homme d’action, Guy La Chambre ne tarde pas à se lancer, en son nom, dans les joutes électorales. Sa première campagne se déroule en 1928. Il brigue le poste de député et doit notamment affronter le baron Surcouf. Il se présente aux Malouins comme un républicain, sans attache partisane. Face à ses adversaires qui tenteront de le faire passer pour royaliste, il persiste et signe : « Je demeure un Républicain indépendant de gauche, ne se réclamant d’aucun front, mais tout entier au service de tous les intérêts du pays et résolu à défendre la République, ses libertés et ses institutions contre les ligues factieuses ». Il remportera cette première élection, comme toutes les autres d’ailleurs ! Fort de ce succès, il briguera également la Mairie de Saint-Servan. Un mandat qu’il occupera de 1932 à 1940.

Ces succès sont ternis par le décès sa mère en 1931. Il éprouve un chagrin fou comme le montrent ses nombreuses lettres de l’époque. Du château de la Briantais il écrit : « Je suis dans une maison où la joie est morte avec elle et ne ressuscitera jamais. » (Guy La Chambre : un Malouin illustre, homme de cœur et de devoir , Michel de Ladoucette, Dieppe, La Vigie, 1979 , 119 p.)

Ces premières victoires électorales marquent le début d’une longue carrière politique et le mèneront au gouvernement. D’ailleurs, il jouera un rôle primordial dans la période trouble d’avant-guerre. Ceci ne lui évitera pas d’être considéré par le gouvernement de Vichy comme un artisan de la défaite et passera toute l’occupation en prison.

Poursuivez votre lecture : 

Partie II : Guy La Chambre dans les tourments de la guerre (2/3)

Partie III : Guy La Chambre : le défi de la reconstruction (3/3)