Aaron est le premier habitant de Canalc’h, l’îlot où s’érigera Saint-Malo des siècles plus tard. L’ermite attire de nombreux disciples dont Maclow, considéré comme le saint patron fondateur de la Cité Corsaire. Il évangélise le pays d’Alet et réalise des miracles restés célèbres. Mais, impossible de narrer les origines de la ville sans évoquer Jean de Châtillon. Au 12ème siècle, l’évêque va se révéler être un formidable bâtisseur et administrateur. En quelques années, il transforme le “rocher” en une ville prête à marquer l’histoire de son empreinte.

D’Alet à l’Île d’Aaron

Né en 1098 près de Rennes ou de Vitré, Jean de Châtillon fait ses études à Paris, puis entre dans l’ordre cistercien. Il devient alors chanoine régulier de l’abbaye de Bourg-Moyen à Blois (41). Choisi pour diriger la nouvelle abbaye Sainte-Croix de Guingamp, à la fin de l’année 1142 (ou au début de 1143) il se fait élire évêque d’Alet.

Dès son arrivée, Jean de Châtillon découvre l’état de délabrement de l’ancienne cité gallo-romaine. En effet, elle est victime des attaques répétées des hordes vikings qui saccagent, pillent, brûlent Alet et ses environs. Il constate également que ses fidèles émigrent sur l’île d’Aaron, plus facilement défendable. Il décide donc de transférer le siège épiscopal sur le rocher. Mais, il se heurte aux moines de Marmoutiers qui occupent les lieux depuis que Benoît-Judicaël, l’un de ses prédécesseurs, le leur a cédé en 1108.

Jean de Châtillon

Procès et séjours à Rome

Sa tentative de conciliation à l’amiable avec les moines n’aboutissant pas, Jean de Châtillon engage alors un procès. Si les bénédictins obtiennent d’abord gain de cause devant le Pape Lucius II, qui refuse de recevoir Jean de Châtillon à Rome en 1144, la persévérance de l’Évêque lui donne raison. Sur les conseils de Bernard de Clairvaux, il retourne à Rome plaider sa cause devant le nouveau Pape Eugène III, successeur de Lucius II en 1145, et qui avait été moine à l’Abbaye de Clairvaux. Il triomphe le 16 août 1146 lorsque le Pape entérine la restitution et impose à l’abbé de Marmoutiers et à ses moines un « silence perpétuel sur ce sujet ».

Un formidable administrateur et bâtisseur

Jean de Châtillon fait bâtir sur l’îlot une cathédrale ce qui signifie, en ce Moyen Âge, une ville, avec ses couvents, ses artisans, ses marchés… Il fonde également dans le cloître de ce lieu de culte une école publique. Il obtient aussi de nombreux droits dont celui de “ville close” lui permettant de bâtir en 1155 des remparts et des tours pour défendre la cité naissante. Dorénavant, 16 hectares se trouvent enveloppées d’une ceinture de pierre.

Dès la fondation de Saint-Malo, on ressent l’indépendance qui caractérise ses habitants. En effet,; l’évêque refuse l’aide du roi pour protéger la ville et décide que les Malouins se garderont eux-mêmes. Il crée donc une milice dans laquelle tous les hommes doivent servir. Cela ne lui semble pas suffisant pour protéger la ville des voleurs (et surtout ses abords), où des navires commencent à accoster en nombre. Il fait venir d’Angleterre 21 dogues pour patrouiller chaque soir sur les grèves.

Jean de Châtillon fait aussi preuve de talent dans l’administration de l’îlot qui grandit de jour en jour. II dote Saint-Malo de toutes les fonctions et “administrations” nécessaires à l’essor d’une ville qui lorgne de plus en plus vers le large et semble lier son avenir à celui du commerce maritime.

Par ailleurs, faisant preuve d’une grande charité, sa réputation auprès des habitants ne cesse de croître. Comme le raconte François Tuloup dans son ouvrage Saint-Malo: Histoire Religieuse, “les pauvres de la ville furent grandement secourus”.

Jean de Châtillon décède le 1er février 1163 et est enterré dans la cathédrale de Saint-Malo. Faisant l’objet d’un culte populaire local, son tombeau (toujours visible), est protégé de la ferveur de ses fidèles par une barrière de fer, ce qui lui vaudra le surnom de “Jean de la Grille”. Béatifié en septembre 1517, mais faute de canonisation, son culte n’a pas perduré. Durant la Révolution ses ossements ont été cachés.

La ville de Saint-Malo a donné son nom à la place de la cathédrale.