Le destin a brièvement réuni deux femmes bien connues des Malouins : Suzy Solidor, icône des années 30, et Lee Miller, photographe de la Libération de la Cité Corsaire. Pourquoi cette rencontre est mémorable ?
Suzy Solidor, l’icône des années 30
Suzy Solidor, née à Saint-Servan le 18 décembre 1900, est une véritable icône à partir des années 30. Audacieuse, elle a marqué son époque par ses multiples talents et sa personnalité unique. Muse idolâtré, chanteuse à la voix quasi-masculine, cabaretière charismatique, romancière et antiquaire passionnée, c’est une figure du Tout-Paris. Elle incarne l’image d’une femme sans tabou et prodigieusement libre.
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Lee Miller, des studios de Vogue aux camps de la mort
« Lee Miller a vécu mille et une vies. Mannequin à la beauté insolente, muse surréaliste, photographe reconnue, reporter de guerre intrépide et même cuisinière excentrique. » (Magazine BeauxArts) Elle est notamment célèbre pour avoir photographié la Libération de Saint-Malo en 1944, capturant l’histoire qui s’écrivait devant elle à travers son objectif. D’ailleurs, pendant l’été 2024 s’est tenue une exposition à Saint-Malo, où 54 de ses clichés ont été présentés au public.
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Lee Miller amante et élève de Man Ray, photographe adulé
À la fin des années 1920, Lee Miller, mannequin vedette de Vogue, célèbre magazine de mode américain, est à Paris. Elle se forme auprès de l’un des photographes les plus en vue de l’époque : Man Ray. Célèbre portraitiste, il est sollicité par tous les grands magazines et chéri par les surréalistes, qui l’ont adopté comme l’un des leurs.
Son apprentissage aux côtés de Man Ray se transforme en une relation intense et passionnée, où l’amour et la créativité se mêlent. Leur collaboration a été incroyablement productive : Lee posait pour Man Ray tout en assimilant ses techniques et sa vision artistique, devenant elle-même une photographe talentueuse.
Un incident créatif fascinant
Un jour de 1929, Suzy Solidor se fait photographier par Man Ray. Lee Miller est chargée de développer les clichés. L’américaine raconte « Quelque chose m’effleura la jambe, je criai et rallumai brusquement la lumière. Je ne découvris pas ce que c’était, une souris peut-être, mais je réalisai que le film avait été exposé. Dans le bac de révélateur se trouvaient une dizaine de négatifs développés d’un nu sur fond noir. » Lorsque Man Ray, furieux, a rincé les négatifs, une aura métallique inattendue est apparue sur l’image de Suzy Solidor, créant un effet unique qui ajoutera une touche surréaliste à cette photographie.
« Il ne se donna même pas la peine de m’engueuler tellement j’étais effondrée. Les parties non exposées du négatif, à savoir l’arrière-plan noir, avaient été exposées par cette soudaine et violente lumière, et entouraient parfaitement les bords du corps nu et blanc. Mais le fond et l’image ne fusionnaient pas ; il restait un trait qu’il appela “solarisation”. » Les ongles vernis des mains de Suzy Solidor, posées sur ses seins nus, deviennent argentés, tranchants, ce qui contraste avec la douceur de son sourire.
La solarisation : c’est quoi ?
Cet effet photographique s’obtient lorsqu’une image est partiellement exposée à la lumière pendant le développement en chambre noire. Cela crée une inversion partielle des tons, où certaines zones sombres deviennent plus claires et vice-versa, donnant à l’image une aura métallique ou un contour brillant.
« Cette découverte accidentelle était de mon fait, racontera Lee Miller. Mais c’est Man Ray qui sut la maîtriser pour qu’à chaque fois elle donne les résultats qu’il souhaitait. […] Il avait un don unique pour enrôler le hasard dans un processus créatif. »
La rencontre entre Suzy Solidor et Lee Miller, bien que brève, a laissé une empreinte durable dans l’histoire de l’art. Ce moment fortuit, marqué par un accident en chambre noire, a non seulement scellé une connexion entre ces deux icônes, mais a également aboutit à la découverte par Man Ray de la solarisation, une technique qui deviendra emblématique dans son œuvre. Cet épisode rappelle combien le hasard peut parfois être un allié dans la création artistique, transformant une simple séance photo en une œuvre intemporelle qui continue de fasciner et d’inspirer.
- Notes pour le lecteur : En 1862, Paul Sabatier avait décrit le phénomène sans pouvoir le comprendre et encore moins l’utiliser. Ce récit est basé sur le témoignage de Lee Miller et Man Ray et qu’il est probablement romancé.
- Sources :
Les trouvailles de Man Ray et Lee Miller, de Yasmine Youssi
Annales 2023 de la Société d’Histoire et d’Archéologie de l’Arrondissement de Saint-Malo
« My Man Ray: An Interview with Lee Miller Penrose » article de 1976 par Mario Amaya
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